Si le passe sanitaire, ce fameux sésame qui permet d’accéder à un restaurant, une salle de spectacles ou encore un avion fait débat, ce n’est pas que pour des questions de libertés publiques. C’est aussi pour son orthographe. Faut-il écrire « passe sanitaire » ou « pass sanitaire » ? Balsamo vous donne son point de vue.
La question s’était déjà posée avec le « passe culture » mais ressurgit avec encore plus de vigueur avec le « passe sanitaire » : passe ou pass ? Une petite vérification dans n’importe quel dictionnaire et la sentence tombe sans appel : seule l’orthographe « passe » existe. Ainsi, dans l’édition la plus récente (2021) du Petit Larousse :
« Passe. n.m. Abonnement, forfait, billet, généralement sous forme de carte à puce à code-barres, donnant un droit d’accès aux transports, aux musées, aux cinémas… »
Il est à noter que « passe » peut être au masculin ou au féminin, même si la forme féminine, dans le sens de laissez-passer, est plus désuète. On la trouve chez Alexandre Dumas par exemple, quand d’Artagnan neutralise le comte de Wardes afin de récupérer son ordre de passage pour l’Angleterre :
« D’Artagnan ne perdit pas son temps en compliments inutiles, il salua le gouverneur, le remercia et partit.
Une fois dehors, lui et Planchet prirent leur course, et faisant un long détour, ils évitèrent le bois et rentrèrent par une autre porte.
Le bâtiment était toujours prêt à partir, le patron attendait sur le port.
— Eh bien ? dit-il en apercevant d’Artagnan.
— Voici ma passe visée, dit celui-ci.
— Et cet autre gentilhomme ?
— Il ne partira pas aujourd’hui, dit d’Artagnan, mais soyez tranquille, je paierai le passage pour nous deux.
— En ce cas, partons, dit le patron.
— Partons, répéta d’Artagnan.
Et il sauta avec Planchet dans le canot ; cinq minutes après, ils étaient à bord. »
Alexandre Dumas, Les Trois Mousquetaires, chapitre XX
Mais alors pourquoi le « e » est-il escamoté aujourd’hui ? Le passe serait-il plus moderne à l’anglaise ? Est-ce si fatigant d’écrire une lettre de plus ?
Même sur le site du gouvernement, qui devrait privilégier la langue française, c’est la forme anglaise qui prévaut. Et ce malgré les recommandations en sens inverse de l’Académie française. Un anglicisme d’autant plus absurde que le verbe « to pass » dérive du français. Bref, vous l’avez compris, rien ne justifie ce tour de passe-passe !