Lors des allocutions télévisées d’Emmanuel Macron autour du coronavirus, les erreurs de sous-titrage ont fait le buzz. Mais savez-vous que le procédé de transcription en direct des discours s’appelle la vélotypie ? Balsamo décrypte cette technique.
Au fil de la situation sanitaire, nous avons été nombreux à regarder notre télévision pour prendre connaissance des décisions du président de la République. Sur le fond, nous avons découvert des annonces solennelles. Mais sur la forme, nous avons lu – avec hilarité parfois – les coquilles, décalages et approximations qui émaillaient les sous-titres des discours : « foutur » pour « futur », « Frangnaise, Français » pour « Françaises, Français », etc. Fautes commises par un stagiaire ? par un amateur ? par une intelligence artificielle ? Rien de tout cela ! En réalité, la méthode utilisée est celle de la vélotypie.
un clavier syllabique
Les procédés pour retranscrire très vite la parole existent depuis longtemps. D’après Diogène, Xénophon aurait déjà usé de la sténographie, du grec stenόs (resserré) + graphế (écriture), pour les discours de Socrate. Quant à la sténodactylographie (technique de frappe à la machine à écrire), elle a été très utilisée au XXe siècle avant de tomber en désuétude avec la généralisation de l’informatique.
Mais le problème des claviers QWERTY ou AZERTY est qu’ils ne permettent de taper qu’un caractère à la fois. Or, dès les années 1930, un chercheur hollandais, Marius den Outer, invente un clavier syllabique. Comme pour un piano, on peut appuyer sur plusieurs touches à la fois, créant instantanément des syllabes et des mots complets. Dans les années 1980, ce procédé devient encore plus performant grâce à l’incorporation d’un logiciel qui s’occupe de reconnaître les mots et de les harmoniser. La technologie est baptisée « vélotype », du latin velox (rapide).
la loi de 2005 dite « handicap »
D’abord destiné à la frappe rapide de documents écrits, l’outil connaît un rapide développement en France, notamment pour les personnes sourdes ou malentendantes. Ainsi, l’Assemblée nationale et le Sénat l’utilisent pour le sous-titrage des Questions au gouvernement retransmises en direct à la télévision par l’intermédiaire de la société Système Risp. Et la loi de 2005 dite « handicap » qui impose l’accessibilité des événements publics pour les personnes malentendantes, lui a donné encore plus d’impact.
C’est donc cette technique Emmanuel Macron a utilisé pour ses allocutions, via l’entreprise Voxa Direct, lui permettant de ne pas communiquer son texte à l’avance et de rester libre de le faire évoluer.
En pratique, la vélotypie nécessite environ 18 mois de formation. Il n’existe aujourd’hui qu’une dizaine de vélotypistes, qui doivent à la fois retranscrire les propos, corriger les éventuelles coquilles tout en continuant à suivre le flux de la parole. Un métier plus complexe qu’il n’y paraît – et qui explique certains ratés. Mais nous, on a appris un nouveau mot et un nouveau métier !